15/03/2013

Le diagnostic du TDAH

Il se pose à partir d’un questionnaire rempli par les parents et un autre rempli par l’enseignant. Cependant, le seul questionnaire n’est pas suffisant, un bilan cognitif s’impose. Pourquoi ?

Quel est l'intérêt des tests neuropsychologiques pour le diagnostic du TDAH?

Actuellement, le diagnostic du TDAH repose uniquement sur l'observation du comportement par les parents et par l'enseignant. Il s'agit donc de critères purement subjectifs sur l'aspect "inapproprié" du comportement de l'enfant. Le diagnostic peut dès lors être fortement influencé par les perspectives subjectives des parents et de l'enseignant, par le type d'échelle choisie (il a été montré que le choix de réponse à un QCM peut varier en fonction du nombre de réponses possibles et bien sûr en fonction de la forme des questions) et par la manière dont la personne en charge du diagnostic agrège ensemble toutes les informations qui lui sont fournies.

L'idéal serait donc qu'il existe un test neuropsychologique de dépistage du TDAH.

Pourquoi n'existe-t-il pas de test neuropsychologique de diagnostic du TDAH?

Les critères de comportement qui définissent le TDAH dans le DSM IV ne correspondent pas au fonctionnement cérébral. En effet, la perspective du DSM IV est une perspective médicale pour laquelle 1 maladie correspond à 1 seule cause identifiable et génère un ensemble de symptômes. Des recherches récentes ont montré que ce modèle ne pouvait pas s'appliquer au cerveau (que ce soit pour le TDAH ou pour d'autres troubles mentaux tels que l'autisme). Ainsi, la notion de spécialisation fonctionnelle qui prévalait depuis le début des études sur le cerveau, c'est-à-dire l'idée qu'une zone cérébrale correspond à un comportement donné (figure 1), a été abandonnée au profit d'un modèle explicatif distribué (figure 2). En effet, aucune région cérébrale ne fonctionne de façon isolée. L'architecture du cerveau est au contraire caractérisée par une interaction permanente et profonde des différentes zones. Ce modèle distribué permet d’expliquer qu’un comportement peut faire appel à différentes régions cérébrales. Inversement, ces dernières interviennent dans différents types de comportement.

Ainsi, le TDAH peut résulter de différents dysfonctionnements cérébraux dans différentes régions interconnectées. Ce modèle distribué est intéressant car il permet également d’expliquer l'hétérogénéité des symptômes de TDAH : en effet, il existe très peu de TDAH « pur » car c’est un trouble avec de très fréquentes comorbidités (c'est-à-dire d'autres troubles associés). Par exemple, le TDAH peut s’accompagner d’un autre trouble des apprentissages (dyslexie, dyspraxie, dysphasie), d’anxiété, de dépression, de trouble d’opposition, troubles du sommeil, etc. Une étude montre que 87% des enfants souffrant de TDAH présentent au moins une comorbidité.

Credits : adaptation de "Principaux lobes du cerveau. Vue latérale gauche. Figure 728 du Gray's Anatomy"

Le TDAH chez un individu donné résulte donc d'un dysfonctionnement dans une ou plusieurs régions cérébrales distinctes, survenant à la suite de différentes causes dont chacune donne lieu à une constellation similaire de symptômes du TDAH.

Il n’existe donc pas un seul test psychométrique permettant de diagnostiquer directement le TDAH.

Credits : image sous license Creative Commons de Ars Electronica

Alors à quoi servent les tests neuropsychologiques dans le TDAH?

Il existe des tests permettant d’évaluer le fonctionnement de tel ou tel processus cognitif. A partir d’un ensemble de tests, on peut donc établir un profil de ce qui fonctionne correctement et des fonctions défaillantes. Non seulement, ce profil vient objectiver le diagnostic posé à partir d’un questionnaire parents/enseignants, mais il donne également des indications précieuses pour la prise en charge, sur les fonctions cognitives à cibler. La recherche actuelle s'oriente vers la mise au point de tests neuropsychologiques plus pointus permettant de discriminer plus finement les processus cognitifs.

Dans un prochain article, je vous parlerai des causes du TDAH.

Article basé sur :

Kozia, L. F., & Stevens, M. C. (2012). Neuropsychological assessment and the paradox of ADHD, Applied neuropsychology : child , 79-89 Vantalon, V., Mouren, M.-C., Bange, F., & Touzin, M. (2005), L'hyperactivité de l'enfant, Paris, John Libbey Eurotext

26/02/2013

TDAH


Qu’est-ce que le TDAH ?

C’est un Trouble de l’Attention avec ou sans Hyperactivité.
Un trouble est un fonctionnement anormal. Un trouble de l’attention est donc un fonctionnement anormal de l’attention, dans le sens d’une difficulté à rester concentré sur une même tâche sans se laisser distraire. L’hyperactivité renvoie à une agitation motrice excessive.

« anormal » et « excessif » mais par rapport à quoi ?

Autrefois, dans chaque classe, il y avait des cancres. Une étiquette attribuée sans distinction aux « mauvais élèves », sans que personne ne se penche sur leurs difficultés d’apprentissage. L’évolution de la psychologie scientifique a conduit à mesurer et quantifier les comportements humains. A partir de là, on a établi des normes de ces mêmes comportements, généralement basées sur la moyenne d’une population standard (c’est-à-dire une population de personnes sans maladie déclarée). Et voilà, désormais, les cancres peuvent être évalués puis diagnostiqués en fonction de leurs difficultés : trouble dys- (dyslexie, dysphasie, dyspraxie), TDAH, trouble du comportement... Ce qui peut être une bonne chose du point de vue de la prise en charge de ces troubles et de leur rééducation. Ce qui peut être vu aussi comme l’appauvrissement d’une société qui veut tout normaliser, particulièrement les comportements : la tentation peut être grande de déclarer « anormal » tout comportement qui sort de la norme, et d'oublier que la diversité fait la richesse et la créativité d'une société. Alors quelle ligne de conduite adopter ? Il faut aider les enfants et les parents qui souffrent. Parfois, seuls les parents s'inquiètent, l'enfant, lui, va bien. C’est alors au parent qui vit mal la situation de faire un travail pour comprendre pourquoi il ne supporte pas le comportement de son enfant. Mais lorsque le comportement de l’enfant impacte aussi bien son environnement familial que scolaire, voire relationnel, il faut aider l’enfant (et les parents !).

Les symptômes du TDAH

Ce sont des enfants qui sont dans le « trop » : trop agités, trop distractibles, trop tête en l’air, trop plein d’idées (pas toujours heureuses. . .). Ils épuisent leur entourage par ce trop qui dégénère souvent en conflits. Il n’est jamais fatigué, il bouge tout le temps et ne tient pas en place. Il prend des risques et en subit les conséquences... Il parle aussi beaucoup, et s’incruste dans les conversations.
Il y a un point particulièrement douloureux pour tout le monde, parents et enfant, ce sont les devoirs : il rechigne à s’y mettre et quand il s’y met, il papillonne, et ça lui prend au final beaucoup plus de temps qu’un autre pour les faire. Très distractible, la moindre broutille le détourne de ses devoirs. Il n’écoute pas ce qu’on lui dit, oublie la consigne dans la minute qui suit, ou ne la lit pas. Si ses parents le suivent de près, la guerre est déclarée, et ça recommence chaque soir et les weekends peuvent être longs. . .  Ses cahiers sont truffés de fautes d’inattention, jusqu’à oublier de terminer des exercices. Sans compter qu’ils sont souvent mal tenus (les traits ne sont pas tirés à la règle, qu’il a probablement perdue ou oubliée, ou alors il n’avait « pas le temps »…).
A la maison, il faut lui répéter 10 fois la même chose et ce n’est pas toujours suffisant pour qu’il accomplisse ses tâches  quotidiennes. Il laisse ses affaires traîner partout, range rarement et difficilement. Il est intolérant à la frustration et peut avoir des sautes d'humeur qui se traduisent facilement par des explosions de colère monumentales.
De manière plus générale, il a du mal à terminer ce qu’il commence. Il égare souvent ses affaires. Il manque cruellement d’organisation et a du mal à planifier.
Ces symptômes ont un retentissement scolaire (enfant mal supporté par les enseignants et difficultés d'apprentissage), familial (il épuise ses parents) et relationnelles (il est fréquemment exclu par ses pairs).
C'est pourquoi, le Dr Revol, spécialiste français des troubles des apprentissages précise que « au-delà des querelles théoriques, il paraît fondamental de diagnostiquer de façon précoce ce trouble, du fait de l'importance de son retentissement sur la scolarité, le développement cognitif et l'univers relationnel de l'enfant » (L'enfant hyperkinétique, O. Revol, D. Gérard, P. Fourneret, H. Desombres, R. de Villard).

La prochaine fois, je vous parlerai du diagnostic et en particulier, pourquoi un bilan neuropsychologique s’impose.

Lectures conseillées :

100 idées pour mieux gérer les troubles de l’attention, Francine Lussier, Edition Tom Pousse.

Guide de survie pour les enfants vivant avec un TDAH, John F. Taylor, Edition Midi Trente.
Un livre avec un petit accent québécois des plus plaisants, et surtout pleins d’idées pratiques pour la vie quotidienne.